Entretien
Culture

R.J. Ellory : "Je suis un romantique dans l'âme"

Festival littéraire Le Goût des Autres 2018

Robert John Ellory est l’un des grands invités du festival littéraire Le Goût des Autres 2018. Quoique britannique, l’auteur culte de romans policiers est fasciné par New York au point d’en faire la trame géographique et sociologique de ses livres. Interview.

  • lehavre.fr : New York fait intimement partie de vos romans. En quoi cette ville vous inspire-t-elle ?

R.J. Ellory : New York est une ville extrêmement importante. Elle n’est pas vieille comme Rome, Londres ou Paris. C’est une ville nouvelle. Et pourtant, elle est le reflet d'une grande part de l'Amérique que nous trouvons dans le monde entier. C'est l'un des rares endroits où je choisirai de vivre, notamment à cause des nombreuses cultures qui s’y croisent. J'y suis allé plusieurs fois, et à chaque fois, quelque chose se passe qui laisse une empreinte indélébile en moi. New York a ce pouvoir et ce charisme-là.

  • lehavre.fr : Qu’est-ce qui vous a incité à écrire ?

R.J.E. : J'ai eu une drôle d’enfance. Mon père est parti avant ma naissance et ma mère est morte quand j'avais sept ans. Mon grand-père maternel s'est noyé dans les années 50, je ne l'ai jamais connu. C’est ma grand-mère maternelle qui m'a élevé. Elle m'a envoyé dans des orphelinats puis en pension jusqu'à l'âge de seize ans. Le dénominateur commun de ces endroits où j’ai vécu enfant est que j'avais accès à des livres. J'ai lu avec voracité - en commençant par Enid Blyton, puis Agatha Christie, Conan Doyle et enfin Chandler, Hammett, Faulkner, Hemingway, Steinbeck, Capote. J'ai toujours su que je voulais faire quelque chose de créatif mais je n'avais aucune idée de ce que ce serait. Je m'intéressais à la musique, à l'art, à la photographie, au cinéma… Et puis en novembre 1987, j'ai eu une conversation avec un ami qui était en train de lire un livre qui le captivait. Il en a parlé avec une telle passion, une telle intensité, c'était comme si quelqu'un avait allumé une lumière dans mon esprit. J’ai pensé : « C'est ce que je veux faire ! Je veux écrire des livres qui font ressentir ça aux gens ! » Et ce soir-là, j'ai commencé à écrire. C'est aussi simple que ça. Je me suis dit que ce serait génial d'écrire quelque chose capable de susciter une telle émotion, de provoquer un tel effet, d'avoir quelqu'un qui vous lit et qui est touché par ce que vous avez écrit. C’est ça le truc : avoir l'impression qu’on a quelque chose à dire.

  • lehavre.fr : Vous êtes un écrivain de roman policier reconnu. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce genre littéraire ?

R.J.E. : Pour moi, écrire des thrillers criminels ou des romans à énigmes ne se réduit pas seulement à un crime ou à une enquête. J’aime mettre en lumière la façon dont les gens gèrent des situations inhabituelles. Cela permet de jouer avec toute la gamme des émotions et des réactions humaines. Bien que les histoires de mes livres soient toutes très différentes, leur point commun est qu’on a toujours affaire à une personne ordinaire confrontée à une situation extraordinaire. C'est ce qui me fascine. Je suppose que je suis un romantique dans l'âme : je cherche toujours à faire comprendre aux lecteurs ce que ressentent les personnages, à leur donner l’impression d’avoir passé du temps avec de vraies personnes, à les rendre attentifs à leur évolution. C’est à mon avis, la clé d’un livre qu’on n’oublie pas.

  • lehavre.fr : Dans ce contexte sombre, comment se porte la littérature des Etats-Unis ?

R.J.E. : La littérature est à l’image des Américains d’aujourd’hui : riche de ses métissages et de son multiculturalisme. Les jeunes écrivains nourrissent leurs œuvres de leurs racines hispaniques, asiatiques et moyen-orientales. Leur littérature ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis même si elle en parle. Elle est plus ouverte sur le monde, plus positive. C’est très encourageant.

  • lehavre.fr : D’où tirez-vous votre inspiration ?

R.J.E. : Elle vient de la vie, de la rencontre avec les gens, des conversations, des articles de journaux et des films que j’ai pu apprécier. Un simple commentaire peut déclencher une idée lumineuse et une fois qu’elle me saisit, je dois écrire le livre. Je pense qu'il en est de même pour un architecte, un peintre, un musicien, un chorégraphe. Cela a quelque chose à voir avec la façon dont vous voyez la vie et la manière dont vos appréhendez les situations. Vous ne choisissez pas les choses qui vous inspirent. Vous ne choisissez pas les choses qui vous passionnent. Elles sont là en vous et vous les exprimez du mieux que vous pouvez.

  • lehavre.fr : Vous êtes un auteur prolifique. Comment arrivez-vous à écrire un roman par an ?

R.J.E. : Oh, j'écris plus d'un roman par an ! Certaines années, j'en ai écrit deux ou trois. J'adore le processus d'écriture. Pour moi c'est une passion comme le sont beaucoup d’autres choses dans ma vie - la cuisine, la musique la photographie. Je les aborde toutes avec la même envie et la même motivation. C'est juste ma manière d’être.

  • lehavre.fr : Quel livre auriez-vous aimé écrire et pourquoi ?

R.J.E. : De sang froid de Truman Capote, tout simplement parce qu’à mon avis c'est le mélange parfait entre les faits et la fiction. Il fait appel à mon amour du grand journalisme et à mon imagination créatrice.

Retrouvez R.J. Ellory dans le Grand entretien qui lui est consacré, animé par Marie-Madeleine Rigopoulos, dimanche 21 janvier à 14 h 30 au Magic Mirrors I. Lecture de Julie Martigny. Entrée libre dans la limite des places disponibles.