Entretien
Culture

Olivia Rosenthal : "La relation que nous entretenons avec les bêtes dit beaucoup de notre humanité"

Festival littéraire Le Goût des Autres 2018

La romancière et performeuse Olivia Rosenthal sera sur la scène du Magic Mirrors 2, aux côtés du musicien Eryck Abecassis, pour la performance Macadam Animal, à 18 h le dimanche 21 janvier. Interview.

  • lehavre.fr : Qu’est-ce que le « Macadam Animal » ?

Olivia Rosenthal : C’est un spectacle en plusieurs épisodes (texte, musique et vidéo) qui porte sur les animaux sauvages dans les villes, sur leur présence fugitive, sur la manière dont nous partageons (ou non) le territoire avec eux. Nous avons déjà préparé plusieurs épisodes sur d’autres animaux, le corbeau, les termites, les rats, les chiens errants. Le crabe offre une nouvelle approche des liens entre les animaux sauvages et nous : après des animaux terrestres, voici un animal aquatique. Cela a changé notre manière d’en parler, de composer la musique et de filmer.

  • lehavre.fr : Vous êtes écrivaine, spécialiste de la littérature du XVIe siècle, qu’est-ce qui vous a amenée à partir sur les traces de ce crabe ?

O.R. : Cela fait longtemps que je ne travaille plus sur la Renaissance. En revanche, j’ai écrit plusieurs récits où il est question des animaux. Par exemple pour Que font les rennes après noël, j’ai interviewé des gens qui travaillent régulièrement avec des animaux (vétérinaire, soigneur, expérimentateur de laboratoire, dresseur etc.) et c’est à partir de ces entretiens que j’ai imaginé une fiction qui intercale au récit lui-même des séquences documentaires. La relation que nous entretenons avec les bêtes dit beaucoup de notre humanité, de nos modes de vie, du rapport que nous avons avec notre environnement. Et c’est vrai aussi pour ce crabe spécifique, le crabe bleu, sur lequel nous nous sommes penchés et qui a pour particularité d’être originaire d’Amérique.

  • lehavre.fr : La construction de cette création résulte de différents temps d’échanges et de résidences au Havre. Pourquoi et comment cela s’est-il passé ?

O.R. : Grâce à la ville et au festival, nous avons pu aller dans le port et rencontrer des gens qui y travaillent (ou y ont travaillé). Et nous avons voulu partir de ce que nous avons vu et entendu sur le trafic de marchandises au Havre. De fait, les crabes dont nous voulions parler sont arrivés au Havre par le biais des porte-conteneurs. Pour la vidéo, nous avons filmé sur place pendant plusieurs jours et avons monté des séquences qui sont à la fois documentaires et par certains aspects fantastiques ou oniriques. Et nous faisons de la musique sur scène et en direct en utilisant un micro qui prend les sons sous l’eau.

  • lehavre.fr : En quoi la performance liée à la littérature est-elle importante pour vous ?

O.R. : La performance est une autre manière de faire exister et de publier la littérature. Ce qui est en jeu dans notre spectacle, c’est de trouver des correspondances entre les images, le texte et les sons, de créer  un univers immersif où le spectateur va se trouver plongé.

  • lehavre.fr : Sans trop en dévoiler, à quoi le public peut-il s’attendre pour cette première durant Le Goût des Autres ?

O.R. : Ce spectacle propose une forme mixte et inhabituelle, qui est aux confins du concert de musique, du ciné-concert, du spectacle de théâtre et de la poésie sonore. Je pense que le spectateur devrait être un peu déconcerté et ça nous plaît de proposer une forme qui ne ressemble pas à ce qu’il connaît déjà.

  • lehavre.fr : Le principe du festival est de proposer des formats culturels très différents et de les réunir, souvent devant un public lui-même très varié. Qu’est-ce qui selon vous fait que cela fonctionne ?

O.R. : C'est justement l'association entre les arts, le fait que les formes proposées tiennent à la fois de la musique, de la littérature et parfois de la vidéo. C’est une nouvelle manière d’accéder à la littérature, qui est peut-être moins intimidante qu’un livre, plus conviviale dans la mesure où elle se fait en direct devant un public réuni pour écouter et pour voir. Il y a une dimension collective dans cette approche qui change le rapport que nous entretenons d’habitude avec les textes littéraires.