Entretien
Culture

Nevché : "Des paraboles contemporaines dont la sève a trempé dans la noblesse de la rue"

Festival littéraire Le Goût des Autres 2018

Artiste oscillant entre slam, rock et chanson, Nevché interprètera sur la scène du festival littéraire Le Goût des Autres - Le journal imaginaire de Lou Reed – en compagnie de French 79. Une création made in LH, made in LGDA. Interview.

  • lehavre.fr : Comment est né le projet de création Le journal imaginaire de Lou Reed ?

Nevché : Rozenn Le Bris, directrice artistique du festival, m’a proposé de mettre en voix et en musique des traductions du recueil de textes de chansons de Lou Reed, intitulé Traverser le feu. Je n’aurais jamais osé m’attaquer à Lou Reed. Cela m’a donné de l’élan. Je lui ai proposé l’idée d’un journal imaginaire, mélangé aux textes de Lou Reed. Je n’allais pas mettre en musique ses textes. Il l’a déjà très bien fait ! J’ai eu envie de proposer une imagination, qui parle de mon rapport personnel à Lou Reed, comme chacun à le sien. Musicalement, j’ai préféré abandonner ma guitare pour des matières électroniques et synthétiques. J’ai donc proposé ce projet à French 79.

  • lehavre.fr : Et votre collaboration avec French 79 ?

N. : On se connaît depuis longtemps avec French 79 puisqu’on habite la même ville, Marseille. Mais c’est seulement à l’occasion de l’enregistrement de mon nouvel album que nous nous sommes vraiment rencontrés. Nous étions encore en studio quand le festival Le Goût des Autres nous a contactés. J’en ai parlé à French 79. Il a accepté. On s’est vu quelques soirs au studio depuis, pour laisser couler un peu de musique et construire ensemble la traversée que nous jouerons vendredi soir.

  • lehavre.fr : Disparu en 2013, Lou Reed, reste l’icône rock new-yorkaise et l’un des figures emblématiques de l’histoire du rock international. Que retenez-vous de la revisite musicale et littéraire de ses œuvres et de ses influences ?

N. : Je retiens tout d’abord les chansons magnifiques qu’il a laissées. De I’m waiting for the Man à Sunday Morning en passant par Walk on the Wild Side, en solo ou avec le Velvet Underground.
J’en ai traduit certaines parce qu’on s’approche de très près quand on traduit. On touche presque l’insaisissable. Ces textes sont des sortes de paraboles contemporaines dont la sève a trempé dans la noblesse de la rue. Lou Reed est une figure importante de la poésie et du rock américain. Aux Etats-Unis, les rapports entre scène littéraire et scène musicale sont naturels et sans défiance. Leur mélange est source d’émulation, d’inspiration. C’est ainsi que s'est réinventé sans cesse la musique populaire américaine et même la pop culture internationale, dont l’Amérique est une influence majeure. Lou Reed en a écrit de belles pages et en est une source d’inspiration majeure.

  • lehavre.fr : Ancien prof de lettres, vous avez également mis en musique des poèmes de Prévert, collaboré avec des auteurs lors de précédents albums (Ronan Chéneau), ou interprété sur scène – à la Maison de la Poésie en 2014 avec A perte de vie - des textes d’autres auteurs et écrits d’artistes issus d’autres disciplines… pourquoi un tel attachement aux mots et aux belles lettres ?

N. : J’ai eu très tôt la conviction que la poésie était ce que je voulais faire. C’était physique avant d’être intellectuel. Que ce soit des poèmes mis en musique, des chansons, des textes d’auteur, de la composition musicale ou des choix d’arrangements, on retrouve dans tous mes projets deux éléments : les mots et la musique.

  • lehavre.fr : Que souhaitez-vous offrir au public ?

N. : Un vertige. Une émotion. La dérive qui les réunit.

  • lehavre.fr : Deux artistes avec qui vous avez par le passé collaboré connaissent le festival : le guitariste Serge Teyssot-Gay, ancien de Noir Désir, et Thomas de Pourquery.
    Le premier avait participé à une création en 2013 sur le festival, une revisite du Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire qui avait accouché plus tard de son album Debout les cordages. Imaginez-vous une suite similaire ?

N. : Pourquoi pas !

  • lehavre.fr : Le second – Thomas de Pourquery – vous suivra sur la scène du festival puisqu’il mettra en musique American Psycho, accompagné par le comédien Thierry Frémont. Est-ce un plaisir de le recroiser ? Serez-vous curieux de découvrir sa performance artistique ?

N. : J’adore Thomas. Quel musicien ! Quel artiste ! Je l’avais invité sur une carte blanche à Marseille. Nous nous sommes vus plusieurs fois récemment. On s'était réjoui de nous retrouver au Havre. Cela approche et tous les éléments semblent réunis pour passer une belle soirée.

  • lehavre.fr : Aviez-vous entendu parler du festival Le Goût des Autres avant ce projet de création ?

N. : J’ai découvert le festival en étant contacté cette année. Le format du festival m’a séduit, son lien à la musique électronique, dont je suis très amoureux. J’ai découvert le dynamisme créatif du festival, son énergie, les rencontres qu’il provoque et ce souffle d’utopie incroyable et précieux qu’il véhicule.

  • lehavre.fr : Et du Havre ?

N. : J’ai adoré mes séjours au Havre cette année. Je ne connaissais pas la ville et j’ai été conquis. L’architecture, la plage, l’énergie des gens, la piscine Jean Nouvel, les commerces, les transports en commun, vraiment j’ai ressenti une grande chaleur dans cette ville, et un mélange de population en centre-ville vraiment réjouissant. J’ai dirigé un workshop avec la classe de seconde option musique actuelle du lycée Porte Océane en lien avec le Sonic. C’était super ! Les élèves ont écrit des bouts de poèmes et repris une chanson de Lou Reed. J’ai travaillé main dans la main avec un intervenant musique, Olivier Durand, et la prof de musique, Marjorie De Rooy. J’ai rencontré aussi Patrick Bacot, le directeur du Conservatoire, à qui j’ai confié l’écriture d'un arrangement cuivre pour un morceau du spectacle. De belles rencontres.
Je suis chanceux. Grâce à tout ça, j’ai pu approcher un peu le véritable rythme de la ville. Et je m’y suis senti bien.

Retrouvez Nevché et French 79 lors de la Grande Nuit du Goût des Autres, pour un live - Le journal imaginaire de Lou Reed - samedi 20 janvier à 20 h au Magic Mirrors 2. Entrée libre dans la limite des places disponibles.