Culture

mAcadam Animal révèle en nous Le Goût des Autres

CRÉATION Festival littéraire Le Goût des Autres 2018

Par le texte, les sons et les images, fruits de rencontres avec celles et ceux qui naviguent, travaillent ou auscultent la mer au Havre, Olivia Rosenthal et Eryck Abbecassis élaborent une performance artistique singulière dont la particularité est de s’enrichir au fil du temps. Un travail de création sur les perceptions ; une invitation à changer de point de vue pour nous découvrir ou nous redécouvrir.

Ici « la zone portuaire est sous douane », inaccessible, quasi interdite. Nous voici pourtant à quai, sur le port du Havre, au pied des plus gros navires de commerce du monde. Pour éviter que ces monstres des mers ne coulent à pic, on les remplit d’eau.  On inonde leurs immenses réservoirs. « Des corps étrangers rentrent dans les ballasts malgré les filtres. Une larve de crabe a été aspirée dans la nuit des cales, elles glissent le long des parois d’acier sans se rendre compte qu’elle ne retrouvera son habitat d’origine. (…) Les conquistadors ont changé de camp. La mondialisation des transports a pour conséquence le déracinement des espèces. »
Depuis 1986, tout le monde entend parler de ce crabe bleu venu d’Amérique, de New York. Mais personne ne l’a jamais vu ! Pourtant, les ouvrages scientifiques le répertorient « comme pour désigner l’ennemi » et attestent de son existence sur les plages normandes, arrivé « en même temps que les pièce détachées, les écrans informatiques et les textiles. » Surpris par son jaillissement dans notre port, l’être humain s’intéresse, s’interroge. Ami ou ennemi ? « Quand elles perturbent le cycle naturel des espèces de leur pays d’adoption en mangeant les espèces autochtones, on dit qu’elles sont invasives. (…) Le crabe bleu, bien qu’exotique, n’est pas encore considéré comme invasif. »
La mondialisation fait de nous, êtres humains, des êtres interdépendants. Le voyage de ce crabe bleu nous renvoie à notre Histoire. « Bientôt toutes les espèces seront déplacées, toutes seront étrangères. Il faudra reconsidérer les origines. Des corps étrangers rentrent dans les ballasts malgré les filtres. On ne naît pas indigène, on le devient. (…) On veut bien qu’il y ait quelques exceptions pourvu qu’on continue d’appliquer la règle. On a peur d’imaginer un monde dans lequel l’exotique deviendrait endogène. » Un monde animal comme miroir de notre civilisation, qui nous interroge sur notre avenir, notre devenir. Une perception nouvelle que mAcadam Animal révèle ; un témoignage supplémentaire du fait que la Culture et les Arts nous apprennent entre autres, nous êtres humains, à dépasser, apprivoiser nos peurs et nourrir Le Goût des Autres.