Entretien
Culture

« Les fastes de la solitude »

Maylis de Kerangal, romancière, invitée du Festival littéraire Le Goût des Autres 2019

Maylis de Kérangal, romancière dont Le Havre peut s’enorgueillir puisqu’elle  y a grandi, est presque une habituée du festival ! Cette année elle est invitée à dialoguer avec une auteure néerlandaise, Niña Weijers, autour du thème « Amsterdam-Le Havre, les littératures portuaires ». Cette rencontre est animée par Margot Dijkgraaf, critique littéraire néerlandaise, spécialiste de littérature française.

  • lehavre.fr : Que pouvez-vous nous dire sur Niña Weijers ?

Maylis de Kerangal : Je l’ai déjà rencontrée, dans des circonstances plus ou moins similaires à celle de notre rencontre pour le Goût des autres. J’ai lu son livre Les Conséquences et je l’ai trouvé impressionnant. C’est un livre sur l’art, qui se situe dans le milieu de l’art contemporain mais c’est aussi une histoire très familiale, qui parle de la part de hasard dans la vie de chacun. La construction est virtuose. Mon dernier roman, Un Monde à portée de main, évoque également la création, l’art, avec un angle très différent, mais nos héroïnes ont le même âge.

  • lehavre.fr : La littérature est-elle selon vous plutôt un art de la solitude ou un vecteur de liens et de rencontres ?

M.K. : Bien sûr, un livre s’écrit en solitaire. C’est un acte qui implique une forme de retrait, de concentration. La solitude est nécessaire pour faire revenir les choses, les ressaisir. Je dirais même que j’écris pour pouvoir être seule, atteindre la solitude — je pense à la belle expression de Thiéphaine « les fastes de la solitude ». Ensuite le livre évidemment devient un objet en mouvement, il circule. J’aime aussi ce moment où il sort de son atelier, et où du monde se rassemble autour – ou pas. Aujourd’hui tout particulièrement on joue beaucoup là-dessus, avec les festivals, les salons, les rencontres en librairie … Donc le livre est d’abord une affaire de solitude puis un vecteur de liens. Ce dernier aspect s’est intensifié avec les nouveaux outils numériques : les élites cultivées, les personnes « autorisées » ne sont plus seules à détenir une parole sur les livres, des groupes de discussions se forment spontanément et facilement, ils échangent. La lecture se partage, elle retrouve une dimension collective.

  • lehavre.fr : Quels parallèles faites-vous entre Le Havre et Amsterdam ?

M.K. : On pense évidemment à l’aspect portuaire, ces deux histoires sont très fortes mais ce qui me vient d’abord à l’esprit c’est plutôt le rapport à la peinture. Ce sont deux villes habitées par des figures de peintres et où ont séjourné des peintres importants. Le ciel au Havre est là quasiment pour ça ! L’impressionnisme, le MuMa au Havre, Rembrandt, les ciels flamands de Baudelaire pour Amsterdam…

  • lehavre.fr : Qu'appréciez-vous dans le festival Le Goût des autres ?

M.K. : C’est la troisième fois que je viens, il me semble. J’y vais parce que c’est Le Havre ! L’idée de ce retour me tente, c’est l’occasion d'y revenir, pour des raisons très littéraires, ce n’est jamais anodin pour moi.

  • lehavre.fr : Gardez-vous un souvenir en particulier ?

F.B. : La première fois que je suis venue, je crois que c’était pour la première édition, on m’a proposé une collaboration avec un musicien, Cascadeur, pour mon roman Dans les rapides, un texte sur Le Havre. C’était un moment très fort : c’était la première fois que je montais sur scène pour lire, avec de la musique de surcroît. Cette expérience a donné lieu à une amitié et on poursuit l'aventure.

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